Tiré et adapté de La préparation physique moderne - Optimisation des techniques de préparation à la haute performance de Olivier Bolliet & Aurélien Broussal.
Olivier Schoenfelder, champion du monde 2008 de danse sur glace
Romain Sassot, entrainé par Olivier Bolliet, en préparation pour les JO de Londres
Aucun entraîneur ou préparateur physique ne saurait nier de nos jours l’importance de la variabilité des contenus d’entraînement des qualités de force pour la progression de l’athlète à court terme d’une part, mais aussi et surtout à plus long terme. En effet, faire progresser l’athlète rapidement est une chose, mais continuer à le faire progresser saison après saison est un tout autre débat.
Traditionnellement, la planification du développement de la force suit un modèle inspiré de l’entraînement des athlètes d’Europe de l’Est, c’est le modèle 1, la périodisation linéaire. Viendra ensuite la description du modèle 2, la périodisation alternée et finalement la périodisation ondulante (modèle 3). Les deux derniers modèles étant des périodisations non-linéaires de l’entraînement des qualités de force. Cette non-linéarité devrait être la caractéristique innovante des programmes d’entraînement des athlètes de demain (KRAEMER & FLECK, 2007).
La progression est linéaire dans le sens où le nombre de répétitions baisse et parallèlement la charge augmente au fur et à mesure de l’avancée dans le programme d’entraînement. Autrement dit, le volume de travail diminue mais l’intensité s’élève.
Semaines 1-3 : 15 répétitions
Semaines 4-6 : 10 répétitions
Semaines 7-9 : 7 répétitions
Semaines 10-12 : 4 répétitions
etc.
[NDLR : vous avez aussi un exemple de périodisation linéaire avec le cycle d’Ed Coan de notre article Développé couché : programme pour progresser au développé couché.]
Le principal avantage de cette périodisation est qu’elle permet à l’athlète d’augmenter régulièrement la charge, donc de créer progressivement et avec sécurité une amélioration de la force. Par contre, les processus nerveux d’amélioration de la force sont faiblement sollicités dans les premières semaines d’entraînement (c’est plutôt un développement de l’endurance de force et de la masse musculaire dans notre exemple) et les processus périphériques métaboliques (comme l’hypertrophie et l’endurance de force) sont faiblement sollicités dans les dernières semaines d’entraînement (c’est plutôt un développement de la force maximale dans notre exemple).
L’autre inconvénient réside dans l’apparition d’un pic de forme lors des séries très intenses de 1 à 3-5 répétitions. Il peut paraître surprenant de parler d’inconvénient pour l’apparition d’un pic de forme mais regardons les choses à l’échelle temporelle de la période de compétition. Les séries de 1 à 3-5 répétitions provoquent sans nul doute un pic de puissance dans les activités de force explosive (EGGER, 1992), mais ce pic, comme son nom l’indique, ne peut pas être maintenu très longtemps. De plus, on ne peut pas garder ce travail d’intensité extrême éternellement (voir la remarque “Le saviez-vous ?”). Le problème devient alors très clair : comment garder un niveau de forme décent sur une période de compétition longue souvent de quelques mois ? Une réponse apparaît avec la périodisation non-linéaire (modèle 2 et 3).
Durant un cycle de force maximale (comme les séries intenses de 1 à 3 répétitions), le niveau de testostérone augmente seulement dans les 8 premières semaines puis diminue (HÄKKINEN, 1991 cité par BOMPA & CARRERA, 2005). C’est la raison pour laquelle il faut limiter la durée du mésocycle de force maximale à huit semaines environ. Au-delà, il risque de perdre de sa pertinence et plus grave encore peut faire courir à votre athlète un risque de sur-entraînement ou de blessures.
La progression est alternée dans le temps entre le volume et l’intensité. Dans l’exemple ci-dessous, le nombre de répétitions (donc l’intensité) change toutes les trois semaines. Cela ne reste évidemment qu’un exemple, l’athlète ou l’entraîneur peuvent très bien choisir de changer le nombre de répétitions à une fréquence différente.
Semaines 1-3 : 8 répétitions
Semaines 4-6 : 5 répétitions
Semaines 7-9 : 6 répétitions
Semaines 10-12 : 3 répétitions
Etc.
[NDLR : vous avez aussi un exemple de périodisation alternée avec le cycle de Marc Casabianca de notre article Développé couché : programme pour progresser au développé couché.]
Ce modèle permet d’éviter les inconvénients de la périodisation linéaire grâce à une stimulation plus fréquente des processus nerveux et périphériques métaboliques. Cette périodisation convient bien à une majorité des athlètes en partie par son efficacité physiologique mais aussi par son caractère moins ennuyeux. D’autre part, elle permet une apparition plus fréquente et plus facile des fameux pics de forme discutés précédemment dans le modèle de périodisation linéaire. Par contre, cette périodisation alternée requiert de la part de l’entraîneur de l’expérience dans la sélection des charges de semaines en semaines pour maximaliser les gains.
Charles POLIQUIN, préparateur physique de renommée mondiale, propose en 1988 cette planification alternée sur deux semaines pour un joueur de football Américain :
Semaines 1-2 : 10-12 répétitions
Semaines 3-4 : 4-6 répétitions
Semaines 5-6 : 8-10 répétitions
Semaines 7-8 : 3-5 répétitions
Semaines 9-10 : 5-7 répétitions
Semaines 11-12 : 2-3 répétitions
On voit bien dans cet exemple l’alternance de phases d’accumulation et d’intensification mais avec une intensité globale qui augmente tout au long des douze semaines d’entraînement.
La progression est alternée entre le volume et l’intensité d’une séance sur l’autre dans la même semaine.
Semaine 1-3 :
Lundi Séance A 5 répétitions
Mercredi Séance B 15 répétitions
Vendredi Séance A 10 répétitions
Semaine 4-6 :
Lundi Séance B 5 répétitions
Mercredi Séance A 15 répétitions
Vendredi Séance B 10 répétitions
La stimulation des processus nerveux et périphériques métaboliques est la plus fréquente possible. D’autre part, cette périodisation déclenche une maximalisation des gains de force chez les athlètes possédant déjà un haut niveau de force et la gestion des pics de forme est plus simple. Par contre, ce modèle requiert de la part de l’entraîneur énormément d’expérience dans la sélection des charges et ne convient pas pour des niveaux de force faibles ou modérés (c’est tout simplement inutile pour un athlète débutant).
Le livre de Optimizing Strength Training: Designing Nonlinear Periodization Workouts de KRAEMER & FLECK (2007) propose une revue récente des études scientifiques portant sur la comparaison des modèles de périodisation linéaire et non-linéaire. Collectivement, ces études montrent que ce dernier produit des améliorations significatives dans la composition corporelle, la force et la puissance à la fois chez des individus sédentaires mais aussi chez des athlètes entraînés !
La dernière évolution à notre modèle 3 est la périodisation ondulante flexible (KRAEMER & FLECK, 2007). C’est l’idéal car il est possible de choisir au jour le jour le type de séance à faire en fonction des disponibilités physiques et/ou mentales de l’athlète.
Par exemple, si l’on avait prévu une séance de force maximale (des séries de 3 répétitions) mais que notre athlète ne soit pas en état de la réaliser dans de bonnes conditions, pourquoi ne pas intervertir et réaliser à la place la séance d’hypertrophie (des séries de 10 répétitions) prévue normalement à la prochaine séance ? Cette organisation du travail n’est pas un prétexte à l’improvisation, et la souplesse d’adaptation à court terme ne s’inscrit pas moins dans un cadre de travail à long terme de l’ensemble des paramètres de force, réajusté par la suite.
Cette flexibilité de la périodisation ne fait rien de plus que coller au plus près des disponibilités de l’individu, c’est le principe d’individualisation de l’entraînement. La seule limite à cette dernière est dans le choix du type d’entraînement. Une solution objective existe avec le test pré-entraînement. La nouvelle génération d’accéléromètre Myotest (ambulatoire et de coût modeste) pourrait permettre ce test en réalisant, à partir d’un effort de force d’intensité sous-maximale, l’extrapolation très précise du niveau de force maximal. La lecture en direct du test pourrait alors aiguiller l’entraîneur quant au choix du type de séance.
Plus simplement, l’observation de la première série de la séance doit nous guider quant à la poursuite de l’entraînement. Par exemple, si l’athlète doit réaliser 3 séries de 8 répétitions avec 100 kg au développé couché et qu’à la première série il ne peut faire que 5 répétitions, l’entraîneur doit donc immédiatement changer la séance pour coller au plus près à l’état de forme du jour.
Je vais maintenant illustrer cette flexibilité de la périodisation ondulante avec quelques exemples concrets tirés de mon travail passé de préparateur physique.
Nous sommes mercredi, notre athlète arrive dans la salle de musculation pour faire sa séance hebdomadaire de force explosive à base d’abord d’un mouvement d’haltérophilie, l’arraché. Il doit normalement réaliser 5 à 7 séries de 3 répétitions avec 70 kg et 4 minutes de repos entre les séries. A la seconde série, il n’est capable que de faire un seul mouvement. Prétextant un problème technique, il insiste pour faire une troisième série. Là-encore, il ne réalise qu’une répétition. Je décide alors de changer la séance et de faire l’entraînement du vendredi axé sur l’hypertrophie fonctionnel (POLIQUIN, 2004), 5 séries de 8 répétitions (environ 30 s de temps sous tension par série) et 2 minutes de repos entre les séries. Cette séance étant moins sollicitante d’un point de vue nerveux, notre lanceur la réalise correctement.
Nous sommes lundi matin de bonne heure, notre patineuse arrive pour faire une séance de force des membres inférieurs dans le but d’augmenter sa poussée sur la glace. Elle nous apprend qu’elle a été malade la nuit précédente mais qu’elle se sent bien néanmoins et prête à faire son entraînement. Elle commence par des squats sur un pied sans charge additionnelle et n’arrive qu’à réaliser 3 répétitions sur les 5 demandées. De plus, malgré les consignes techniques pendant la série, elle ne parvient pas à faire la portion excentrique correctement (elle utilise un rebond en flexion complète pour se donner de l’élan pour la phase concentrique). Après discussion, nous décidons d’arrêter cette séance pour deux raisons : d’abord l’intensité réalisée n’est pas l’intensité programmée et plus grave encore elle risque de porter atteinte à son intégrité physique (articulation du genou). Je décide de la mettre au repos et je repousse cette séance au lendemain. La périodisation ondulante flexible permet la permutation des contenus d’entraînement, mais aussi la permutation avec les jours de repos.
Dans la périodisation linéaire, le nombre de répétitions baisse et parallèlement la charge augmente au fur et à mesure de l’avancée dans le programme. Le principal avantage est qu’elle permet à l’athlète d’augmenter régulièrement la charge avec sécurité. Par contre, les processus nerveux d’amélioration de la force sont faiblement sollicités dans les premières semaines et les processus périphériques métaboliques sont faiblement sollicités dans les dernières semaines d’entraînement. L’autre inconvénient est dans la difficulté à maintenir un niveau de forme décent sur une longue période de compétition.
Dans la périodisation non-linéaire alternée le nombre de répétitions suit un schéma de ce type :
Semaines 1-3 : 8 répétitions
Semaines 4-6 : 5 répétitions
Semaines 7-9 : 6 répétitions
Semaines 10-12 : 3 répétitions
Etc.
Il y a une stimulation plus fréquente des processus nerveux et périphériques métaboliques et elle permet une apparition plus fréquente et plus facile des pics de forme. Par contre, cette périodisation alternée requiert de la part de l’entraîneur de l’expérience dans la sélection des charges.
Finalement, dans la périodisation non-linéaire ondulante la progression est alternée entre le volume et l’intensité d’une séance sur l’autre dans la même semaine. La stimulation des processus nerveux et périphériques métaboliques est la plus fréquente possible (gains de force chez les athlètes élites) et la gestion des pics de forme est plus simple que dans un modèle linéaire. Par contre, ce modèle requiert de la part de l’entraîneur énormément d’expérience dans la sélection des charges.
DONNEZ VOTRE AVIS SUR CET ARTICLE
SUR NOS FORUMS DE MUSCULATION
Périodisation linéaire sur les gros exercices pour prendre du muscle ?
Progression linéaire de 2 kg par séance au développé couché ?
Cycle de progression linéaire : avec quel poids commencer ?
Presse à cuisses Technogym linéaire ou circulaire pour les cuisses ?
Periodisation ondulatoire pour prendre du muscle et de la force ?
Une étude valide l'entraînement peu fréquent pour la prise de force !
Débutant : prise de masse ou prise de force pour commencer ?
Faut-il alterner prise de force et prise de masse ?
Cycles de prise de force pour la force athlétique ?
Entraînement de force (5x5) vs entraînement classique
Hypertrophie myofibrillaire ou sarcomère et prise de force ?
Cardiotraining pendant un cycle de prise de force ?
La force aux grippers n'est pas vraiment corrélée à la prise !
Un programme complet de prise de muscle : diète et entraînement. Simple et efficace !
Apprenez l'intérêt du cahier d'entraînement pour prendre plus de muscle et de force, pour mieux progresser en musculation.
Origines des kettlebells, principales différences entre kettlebells et haltères, pourquoi utiliser des kettlebells et pour quels mouvements ?
Cycles de développé couché de Joseph Ponnier, Ken Lain, Muscle Media 2000 (programme inclus), Marc Casabianca et Ed Coan.
Partagez cet article :