Mike Mentzer a été culturiste professionnel dans les années 70. Il s’est retiré de la compétition après le très contesté Mr Olympia 1980, écœuré de voir qu’Arnold Schwarzenegger avait remporté l‘évènement alors que de l’avis de tous il ne méritait pas de gagner. Par la suite, on l’a vu entraîner des gens au Gold’s Gym, ou par correspondance, en même temps qu’il écrivait des articles dans des magazines et plusieurs livres.
Mike Mentzer est controversé et a surtout su capitaliser sur son physique hors-norme et un certain talent d‘écrivain pour vendre une méthode d’entraînement “exotique”. En tant que culturiste professionnel, il s’entraînait certes moins que les autres, même pas aussi peu qu’il le préconise dans ses livres (cf. routine d’entraînement de Mike Mentzer).
Cependant, nous avons de l’admiration pour Mike Mentzer, car même s’il avait nécessairement un intérêt pécuniaire, il cherchait, et pensait avoir trouée, de bonne foi une méthode scientifique et optimale pour prendre du muscle. C’était un passionné, entier et extrême, dans son entraînement comme dans ses choix de vie.
Son histoire a été magistralement racontée dans l’excellent livre Mr. Amérique écrit par Nicolas Chemla.
Pour justifier théoriquement sa méthode, Mike Mentzer s’appuie sur le principe “stress-adaptation”, qu’il aime expliquer avec l’analogie du bronzage :
1) Si vous passez une journée sous un ciel complètement couvert, vous ne bronzez pas : l’exposition au soleil est nulle, et vous ne stimulez aucune adaptation de votre corps.
2) Si vous passez une journée sous un soleil partiellement voilé, l’exposition au soleil est modérée et vous bronzez un peu.
3) Si vous passez une journée sous un soleil sans nuages en plein été, l’exposition au soleil est intense, mais trop longue, et vous attrapez un coup de soleil.
4) Enfin, si vous vous exposez au soleil quelques minutes seulement, entre midi et deux en plein été, quand son intensité est maximale, vous bronzez rapidement, et sans avoir de coup de soleil.
Dit autrement, soumis à un stress (l’exposition au soleil) plus ou moins intense (ciel plus ou moins voilé) et plus ou moins long (la durée de l’exposition), le corps va générer une adaptation plus ou moins importante (le niveau de votre bronzage) et rapide (la vitesse à laquelle vous bronzer) ; ou aucune adaptation du tout (pas de bronzage) ; ou il n’arrive pas à s’adapter (coup de soleil).
Appliqué à la musculation, le principe “stress-adaptation” devient, selon Mike Mentzer :
Soumis à un stress (l’entraînement de musculation), plus ou moins intense (aller jusqu’à l’échec musculaire, forcer autant qu’il est possible), et plus ou moins long (une à plusieurs séries par exercice, un à plusieurs exercices par muscle), le corps va générer une adaptation plus ou moins importante (la croissance musculaire) et rapide (la vitesse à laquelle vous prenez du muscle) ; ou aucune adaptation du tout (pas de prise de muscle) ; ou le corps n’arrive pas à s’adapter (surentraînement).
A partir de ce paradigme “stress-adaptation”, Mike Mentzer recommande des entraînements de musculation les plus intenses possible, pour déclencher la croissance musculaire la plus forte possible.
Comme d’après lui une intensité élevée exclut la durée, les entraînements doivent être les plus brefs possible : une seule série par exercice portée à l’échec musculaire, et un ou deux exercices par muscle seulement, en utilisant quand c’est possible la technique de la pré-fatigue.
Enfin, la croissance musculaire ne se déroulant pas durant l’entraînement (on détruit le muscle), mais pendant la phase de repos (on reconstruit et développe le muscle), Mike Mentzer recommande de s’entraîner le moins fréquemment possible : deux à trois fois par semaine seulement.
La méthode Heavy Duty se veut la première méthode d’entraînement réellement scientifique pour accroître sa masse musculaire. Elle est destinée à toutes personnes souhaitant prendre du volume musculaire rapidement, grâce à un entraînement peu fréquent, mais intense.
Tiré du livre Heavy Duty, écrit en 1993 par Mike Mentzer, c’est le programme originel.
Les séries d‘échauffement ne sont pas mentionnées et chaque série de travail doit être portée jusqu‘à l‘échec :
Peck-deck ou Écarté couché : 1×6-10, immédiatement suivi de
Développé incliné au cadre-guide : 1×1-3
Développé militaire : 1×6-10
Élévation latérale avec haltères : 1×6-10
Oiseau à la machine : 1×6-10
Extension des triceps à la machine : 1×6-10, immédiatement suivi de
Dips prise serrée : 1×3-5
Pull over à la machine ou Pull over avec haltère : 1×6-10, immédiatement suivi de
Tirage vertical à la poulie haute prise supination : 1×6-10
Rowing à un bras à la machine ou Rowing à un bras avec haltère : 1×6-10
Shrug avec haltères : 1×6-10
Curl avec haltères debout : 1×6-10
Curl concentré : 1×6-10
Leg extension assis : 1×6-10, immédiatement suivi de
Presse à cuisses ou Squat : 1×6-10
Soulevé de terre jambes tendues : 1×6-10
Mollets debout à la machine : 2×12-20
Tiré du livre Heavy Duty II : Mind and Body, écrit en 1996 par Mike Mentzer, ce programme est la quintessence de la méthode Heavy Duty.
En effet, Mike Mentzer aurait constaté que de nombreuses personnes étaient surentraînées avec le programme de son premier livre, et ne progressaient pas assez vite. Selon lui, la conclusion logique était qu’il fallait réduire encore le volume d’entraînement et ajouter des jours de repos supplémentaires, pour progresser plus vite.
Les séries d‘échauffement ne sont pas mentionnées et chaque série de travail doit être portée jusqu‘à l‘échec :
Peck-deck ou Écarté couché : 1×6-10, immédiatement suivi de
Développé incliné au cadre-guide : 1×1-3
Pull over à la machine ou Pull over avec haltère : 1×6-10, immédiatement suivi de
Tirage vertical à la poulie haute prise supination : 1×6-10
Soulevé de terre : 1×6-10
Leg extension assis : 1×6-10, immédiatement suivi de
Presse à cuisses : 1×6-10
Mollets debout à la machine : 1×12-20
Élévation latérale à la machine : 1×6-10
Oiseau à la machine : 1×6-10
Curl à la barre debout : 1×6-10
Extension des triceps à la machine : 1×6-10, immédiatement suivi de
Dips prise serrée : 1×3-5
Leg extension assis : 1×6-10, immédiatement suivi de
Squat au cadre-guide ou Squat : 1×6-10
Mollets debout à la machine : 1×6-10
Reprendre le cycle commencé le lundi
Ce programme était une étape transitoire pour les personnes chroniquement sur-entraînées, avant de passer au programme décrit précédemment.
Les séries d‘échauffement ne sont pas mentionnées et chaque série de travail doit être portée jusqu‘à l‘échec :
Squat au cadre-guide ou Squat : 1×6-10
Tirage vertical à la poulie haute prise supination : 1×6-10
Dips prise large : 1×6-10
Soulevé de terre : 1×6-10
Développé nuque : 1×6-10
Mollets debout à la machine : 1×6-10
Reprendre le cycle commencé le lundi
Conceptuellement, la méthode semble cohérente et satisfaisante, mais en pratique, elle ne marche pas et a de multiples défauts, parmi les plus évidents :
1) elle n’est pas adaptée aux débutants, car la fréquence d’entraînement trop faible ne permet pas d’apprendre les exercices.
2) les exercices sont les mêmes pour tout le monde, car Mike Mentzer ne prenait pas en compte les différences morphologiques ou les antécédents sportifs. Il en résulte des blessures, puisqu’il faut forcer sur des exercices qui ne nous conviennent pas forcément.
3) les progrès rapides promis n’arrivent tout simplement pas, et on a surtout de moins en moins envie de s’entraîner.
La question est pourquoi ? Pourquoi le Heavy Duty ne fonctionne pas ?
L’erreur fondamentale de Mike Mentzer est d’avoir considéré le corps et ses muscles comme une seule entité, un seul système.
Sans nous aventurer dans la physiologie, si nous restons comme lui au niveau conceptuel, il fallait en considérer au moins quatre :
- le système nerveux,
- le système musculaire,
- le système articulaires et tendineux,
- le système cardio-vasculaire.
De sorte, que le principe de “stress-adaptation” ne va pas s’appliquer à un seul système, mais aux quatre mentionnés, avec des dépendances qu’il va falloir gérer.
Il est possible de devenir très fort sur des exercices spécifiques sans prendre de muscle, en entraînant son système nerveux, améliorant ainsi sa coordination intramusculaire et sa coordination intermusculaires.
Les haltérophiles ou les pratiquants de force athlétique légers, qui soulèvent des charges monstrueuses en rapport avec leur poids de corps, en sont des exemples parfaits :
Le type d’entraînement qui favorise les adaptations nerveuses sont les séries très courtes (1 à 5 répétitions), avec des charges lourdes (au moins 80% de son maxi), des temps de repos longs (3 à 5 minutes), des exercices peu variés, une augmentation progressive des charges utilisées au fil des entraînements, un geste explosif, et sans jamais aller à l’échec musculaire.
Ce type d’entraînement ne génère quasiment pas de courbatures.
Par contre, si vous allez à l’échec musculaire sur des séries très courtes avec des poids lourds (par exemple, plusieurs tentatives de maxi au soulevé de terre), vous épuisez complètement votre système nerveux, et il peut falloir jusqu’à deux semaines pour qu’il récupère, et vous permette de renouveler la même performance.
S’il est impossible au naturel (sans dopage) de prendre du muscle sans prendre en même temps de la force, on peut toutefois être musclé sans être aussi fort qu’on aurait pu l’être avec un entraînement spécifique pour la force.
Le type d’entraînement qui favorise les adaptations musculaires sont les séries moyennes (8 à 12 répétitions), avec des charges moyennes (autour de 70% du maxi), des temps de repos moyens (1 à 2 minutes), des exercices variés, une augmentation progressive des charges utilisées au fil des entraînements, un geste tantôt explosif, tantôt contrôlé, en allant rarement à l’échec musculaire.
Ce type d’entraînement génère régulièrement des courbatures.
Si vous allez à l’échec musculaire à chaque série ou trop souvent, vous fatiguez surtout le système nerveux, mais peu le système musculaire.
Quand on est jeune, on récupère bien, et on peut faire tout ce que l’on veut à la salle de musculation, sans avoir aucune douleur articulaire.
L’âge augmentant, on constate hélas une corrélation directe entre la réalisation de certains exercices ou un entraînement trop lourd et trop long, et des douleurs articulaires ou tendineuses, spécialement aux épaules (après l’entraînement des pectoraux et du dos), aux coudes (après l’entraînement des triceps) et aux genoux (après l’entraînement des cuisses).
Ainsi, il est assez facile de développer de gros triceps en multipliant les séries de barre front triché à la barre EZ, sans même pratiquer d’autres exercices pour les triceps. Mais dix années à ce rythme-là, et vous n’avez plus de coudes.
Ronnie Coleman, le plus gros culturiste et le plus fort de tous les temps est un triste exemple : des années de squat arrière, squat avant, soulevé de terre, rowings buste penché avec des charges très lourdes lui ont définitivement tassé le bas du dos, et aujourd’hui, malgré de multiples opérations, il ne peut marcher sans béquille et a des douleurs chroniques.
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Mike Mentzer ou Arthur Jones se préoccupait peu de la fonction cardiaque, et considéraient que des entraînements de musculation intenses suffisaient pour développer une condition physique parfaite.
Il n’en est rien et cela peut se vérifier facilement. Si vous ne pratiquez que la musculation, et si vous vous déplacez en voiture ou en métro, sans jamais marcher, essayez d’aller courir dix kilomètres à une allure modérée (mettons en moins d’heure) : vous n’y arriverez probablement pas !
Et pour cause, le système cardio-vasculaire se développe essentiellement en faisant des efforts de faible intensité et de longue durée, c’est-à-dire exactement l’inverse de vos séances de musculation.
Avec la méthode Heavy Duty de Mike Mentzer, vous surentraînez votre système nerveux, sous-entraînez vos muscles, surchargez vos articulations et n’entraînez pas du tout votre système cardio-vasculaire : c’est donc surtout le résumé de tout ce qu’il ne faut pas faire !
Pour rendre ces programmes d’entraînement potentiellement efficaces, il faudrait a minima augmenter la fréquence d’entraînement et réaliser un échauffement en montée pyramidale sur chaque série. Par exemple, au squat, une série de travail à 10@120 kg pourrait être précédée de : 10@90 kg - 10@105 kg.
Mais cela ne résout pas la problématique de la personnalisation selon le niveau du pratiquant, sa morphologie et ses antécédents sportifs.
Quoi qu’il en soit, Mike Mentzer a eu au moins le mérite de réfléchir sur la pratique de la musculation, quand beaucoup s’entraînent au hasard ou en copiant bêtement les autres.
Qu’il en soit remercié et qu’il repose en paix.
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